2012/10/04

Energie, pollution et internet


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La lecture de la semaine provient du New York Times, il s’agit du premier article d’une série consacrée au coût écologique du Cloud computing (informatique dans les nuages, le fait que nos données soient stockées, non pas dans les nuages, mais dans des infrastructures très matérielles). Le titre “Energie, pollution et Internet”, ce début d’article fait un résumé de la longue enquête du quotidien américain.
“Des dizaines de milliers de data center (gigantesques bâtiments abritant des serveurs) sont aujourd’hui nécessaire pour supporter l’explosion de l’information numérique. Des quantités gigantesques de données sont mises en circulation chaque jour lorsque, d’un simple clic ou au contact du doigt, les gens téléchargent des films sur iTunes, regardent l’état de leurs comptes sur le site de leur banque, envoient un mail avec une pièce jointe, font leurs courses en ligne, postent un message sur Twitter ou lisent un journal en ligne.” Et tout cela, nous montre le NYTimes, fait que ce fonctionnement structurel de l’industrie de l’information est à l’opposé de l’image écologique qu’on en a. La plupart des data center, de par la manière dont ils ont été conçus, consomment des quantités gigantesques d’énergie qu’ils gâchent de manière incroyable. Par exemple, certaines entreprises font tourner leur matériel au maximum de ses capacités jour et nuit, quelle que soit la demande. Du coup, certains data center peuvent gaspiller jusqu’à 90 % de l’électricité consommée. Pour se protéger d’une panne d’électricité, les data center s’en remettent à des groupes électrogènes qui fonctionnent au diesel, avec les émissions conséquentes. La pollution causée par les data center inquiète les autorités américaines, au point que dans la Silicon Valley, de nombreux centres de données sont répertoriés dans la liste des plus gros pollueurs au diesel.
Cloudcomputing
Image : L’informatique dans les nuages au National Energy Research Scientific Computing Center photographié par Roy Kaltschmidt pour le Lawrence Berkeley National Lab.
Si on élargit au monde, les infrastructures numériques consomment à peu près 30 milliards de watts, l’équivalent de la production de 30 centrales nucléaires. Et on estime que les data center situés sur le sol américain représentent entre un quart et un tiers de cette consommation. Un seul data center peut consommer plus d’énergie qu’une ville moyenne.
L’efficacité énergétique varie beaucoup d’une entreprise à l’autre. Mais selon une étude commandée par le journal, on estime qu’en moyenne, entre 6 et 12 % de l’énergie consommée est utilisée comme puissance de calcul. Le reste sert à garder les serveurs au ralenti, prêts à fonctionner à plein régime si survenait une activité qui pourrait ralentir ou anéantir leurs opérations.
L’inefficacité énergétique est en grande partie due à une relation de symbiose entre les utilisateurs, qui exigent une réponse instantanée à leur clic, et des entreprises qui prendraient un risque en ne répondant pas à cette attente. Des entreprises qui préfèrent donc violer les mesures de régulation de la qualité de l’air, comme Amazon, qui a été cité 24 fois en 3 ans en Virginie du Nord. Quelques entreprises utilisent des logiciels entièrement repensés et des systèmes de refroidissement ad hoc pour économiser de l’énergie, comme Google et Facebook qui ont repensé leur hardware. Beaucoup de solutions sont disponibles, mais la plupart des entreprises ne veulent pas prendre le risque d’un gros changement. Par ailleurs, tout cela est compliqué par le secret qui entoure ces infrastructures (paradoxe pour une industrie qui est largement édifié sur le fait de rendre accessibles les données personnelles des gens). Pour des raisons de sécurité, les entreprises ne révèlent pas la localisation de leurs data center, qui sont abrités dans des bâtiments anonymes et bien protégés. Et le secret s’étend à la consommation énergétique. Le gouvernement américain a récemment confessé être incapable de déterminer précisément la consommation énergétique des data centers.
Certains analystes préviennent que les quantités de données et la consommation énergétique continuant à croître, les entreprises qui ne changeront pas leurs pratiques pourraient exploser en vol, comme cela est déjà arrivé dans le secteur du numérique. “Ce n’est pas soutenable, explique un ancien dirigeant du secteur, ils vont dans le mur”.
Voici pour cette introduction très générale à cette série d’articles que publie le NYTimes, et que je vous invite à prendre le temps de lire, tant elle est éclairante sur une question qui émerge à peine, mais qui risque de devenir majeure dans les années à venir : le coût écologique des nouvelles technologies.
Xavier de la Porte
“Xavier de la Porte (@xporte), producteur de l’émission Place de la Toile sur France Culture, réalise chaque semaine une intéressante lecture d’un article de l’actualité dans le cadre de son émission.
L’émission du 29 septembre 2012 était consacrée à l’internet society (Wikipédia), l’association qui promeut et coordonne le développement des réseaux informatique dans le monde, en compagnie de Frédéric Donck, directeur du bureau Europe de l’Internet Society ; ainsi qu’à la conférence TED en compagnie de Michel Lévy-Provençal, l’un des organisateurs de l’édition parisienne qui se tiendra le 6 octobre 2012.

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